Conditions de la requalification de la prestation de service de l’auto-entrepreneur en contrat de travail Civ. 2ème, 7 juillet 2016, n°15-16110 Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt de la deuxième chambre civile du 7 juillet 2016, c’est à l’occasion d’un contrôle URSSAF qui avait donné lieu à un redressement, que la Cour de cassation s’alignant sur les décisions rendues par les juges de fond, a réaffirmé les conditions de la requalification de la prestation de l’auto-entrepreneur en relation de travail. L’employeur arguait en effet de l’existence de prestations de service le liant des prestataires totalement indépendant. L’article L. 8221-6 du code du travail institue une présomption de non-salariat pour une liste de personnes exerçant une activité professionnelle indépendante. En application de cette disposition, le législateur présume l’absence de contrat de travail dans un certain nombre de cas pour les activités déclarées par l’indépendant lors de son immatriculation ou inscription administrative, et ce dans ses relations avec un donneur d’ordre. Ces situations sont listées par l’article précité. L’article L. 8221-6-1 du code du travail précise que Est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre ». Cette présomption est simple, car l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque l’auto-entrepreneur est en réalité placé dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre. En effet, le statut d’auto-entrepreneur a suscité des dérives chez certains employeurs, qui ont licencié leur personnel tout en maintenant leur relation avec l’entreprise, dans le cadre et au titre du statut d’auto-entrepreneur. C’est pourquoi lorsque certaines conditions sont réunies la relation contractuelle est requalifiée en contrat de travail. Une réponse ministérielle a listé un certain nombre d’indices susceptibles de conduire à la requalification de la mission en contrat de travail Rép. min. no 7103, JO AN 6 août 2013. Ainsi, les éléments suivants peuvent être pris en compte l’initiative même de la déclaration en travailleur indépendant démarche non spontanée, a priori incompatible avec le travail indépendant ; l’existence d’une relation salariale antérieure avec le même employeur, pour des fonctions identiques ou proches ; un donneur d’ordre unique ; le respect d’horaires ; le respect de consignes autres que celles strictement nécessaires aux exigences de sécurité sur le lieu d’exercice, pour les personnes intervenantes, ou bien pour le client, ou encore pour la bonne livraison d’un produit ; une facturation au nombre d’heures ou en jours ; une absence ou une limitation forte d’initiatives dans le déroulement du travail ; l’intégration à une équipe de travail salariée ; la fourniture de matériels ou équipements sauf équipements importants ou de sécurité… Ces éléments cités dans la réponse ministérielle constituent donc des indices pouvant faire présumer une relation de travail. La Cour de cassation s’est ainsi prononcée sur la requalification d’une mission en contrat de travail. Elle a mis en relief un certain nombre d’indices attestant de l’existence d’un lien de subordination juridique entre une société et un auto-entrepreneur lui facturant des services d’agent commercial Cass. soc., 6 mai 2015, no Ces indices ont porté sur le respect d’un planning quotidien précis et établi par le donneur d’ordre, l’obligation d’assister à des entretiens individuels et à des réunions commerciales, des objectifs de chiffre d’affaires annuel imposés par le donneur d’ordre, l’obligation d’enregistrer les ventes réalisées selon une procédure déterminée, avec remontrances en des termes acerbes et critiques lorsque celle-ci n’est pas suivie. Cette présomption peut donc être renversée en apportant des éléments permettant de prouver l’existence d’un contrat. Il convient donc pour caractériser l’existence de ce contrat de mettre en exergue notamment l’existence un lien de subordination. Il est défini comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Il faut souligner que sur le plan pénal, l’employeur s’expose à une condamnation pénale fondée sur le travail dissimulé. Dans cette espèce du 7 juillet 2016, c’est à la suite d’un contrôle opéré par l’URSSAF que des prestataires au premier abord indépendants vont être considérés par le juge comme placés sous la subordination juridique permanente de leur donneur d’ordre. Il s’agit d’une entreprise dont l’activité est la formation. Dans ce cadre, elle recourait à des formateurs inscrits comme auto-entrepreneurs. Le redressement opéré par l’URSSAF a réintégré le montant des sommes versées à ces indépendants dans l’assiette des cotisations au titre du salaire, les considérant donc comme des salariés. L’employeur l’a contesté. Selon lui, il s’agit de prestataires indépendants. Les juges de fond, à travers un faisceau d’indices, ont caractérisé l’existence d’un lien de subordination. En effet, on note dans la décision que les juges du second degré ont relevé que ces formateurs auto-entrepreneurs » étaient liés par un contrat de prestations de services » à durée indéterminée pour des cours de soutien scolaire et animation de cours collectifs ; ils exerçaient leur activité au profit et dans les locaux de la société auprès d’élèves qui demeuraient sa clientèle exclusive ; les cours de rattrapage étaient dispensés selon un programme fixé par la société et remis aux professeurs lors de réunions pédagogiques de sorte que l’enseignant n’avait aucune liberté pour concevoir ses cours ; les contrats prévoyaient une clause de non-concurrence » d’une durée d’un an après la résiliation du contrat de prestation interdisant aux formateurs de proposer leurs services directement aux clients présentés par la société et limitaient de ce fait l’exercice libéral de leur activité ; au contrat était inscrit un mandat aux termes duquel l’auto-entrepreneur mandatait la société pour réaliser l’ensemble des formalités administratives liées à son statut, émettre des factures correspondant au montant des prestations réalisées et effectuer en son nom les déclarations trimestrielles de chiffre d’affaires et le paiement des charges sociales et fiscales le contrat était conclu pour une durée indéterminée de sorte que le formateur n’est pas un formateur occasionnel mais bien un enseignant permanent ; Les juges du fond ont donc pu valablement conclure qu’aucune modification des conditions d’exercice n’était intervenue dans l’activité des formateurs initialement salariés puis recrutés en tant qu’auto-entrepreneurs. C’est donc en se fondant sur cette série d’indices que l’existence du contrat de travail a été établi. Partager la publication "Auto-entrepreneur la requalification de la prestation de service en contrat de travail" FacebookTwitter
titrehuitiÈme - vigilance du donneur d'ordre en matiÈre d'application de la lÉgislation du travail (art. l. 8281-1) TITRE NEUVIÈME - DÉCLARATION ET CARTE D'IDENTIFICATION PROFESSIONNELLE DES SALARIÉS DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (Art. L. 8291-1 - Art. L. 8291-3) Par un arrêt du 12 novembre 2020, la Cour de cassation a considéré que l’activité de mise en relation de travailleurs indépendants et de clients professionnels ne présentait pas une fraude manifeste à la loi, notamment au code du travail et au code pénal. Le litige opposait une société de travail temporaire et une agence d’intérim à la société Brigad, société exploitant une plateforme de mise en relation des entreprises de tous secteurs avec des indépendants spécialistes de l’hôtellerie et de la restauration pour des missions ponctuelles et de courte durée. Brigad, comme habituellement ce type de plateforme, met également à disposition un outil générant automatiquement un contrat assorti d’une assurance et la facture et automatisant le paiement. Les demandeurs lui reprochaient la violation de plusieurs réglementations Les dispositions du code du travail et du code pénal Brigad aurait utilisé un moyen légal, une plateforme de mise en relation, pour éluder une règle de droit, la réglementation sur le travail temporaire – et, de façon implicite, celle sur le travail dissimulé ; Le code de la consommation Brigad utiliserait des techniques constitutives de publicité comparative trompeuse ; Enfin, le modèle serait constitutif de concurrence déloyale en ce qu’il ne permettrait pas aux entreprises de travail temporaire d’être compétitives dans le cadre réglementé qui s’impose à elles. Selon l’analyse des sociétés de travail temporaire, la plateforme n’aurait pas un simple rôle de mise en relation mais une véritable activité de mise à disposition de main-d’œuvre, activité réservée aux sociétés d’intérim. Les freelances présents sur la plateforme devraient ainsi se voir reconnaître la qualité de salariés. La Cour de cassation rejette l’analyse, confirmant la position de la Cour d’appel qui a retenu que l’activité des plateformes numériques de mise en relation était encadré par les articles L. 7341-1 et suivants du code du travail et constaté l’absence d’indices suffisants permettant de renverser la présomption de non-salariat prévue à l’article L. 8221-6 du code du travail pour les travailleurs indépendants s’y inscrivant. Attention, il convient d’être prudents et d’attendre la décision de fond avant de réellement se réjouir puisque le litige avait été porté devant le juge des référés, juge de l’évidence. La tendance semble toutefois tendre vers une sécurisation du cadre juridique des plateformes de mise en relation de travailleurs indépendants, modèle en plein essor et outil particulièrement apprécié des freelances. Espérons donc que l’analyse sera prolongée, précisée et confirmée par les juges du fond qui auront certainement à connaître des suites de ce litige. Articles en relation Selonles articles L. 8221-6 et L. 8221-6-1 du Code du tra-vail, est présumée travailleur indépendant la personne qui définit elle-même ses condi-tions de travail et qui est liée au donneur d’ordres par un contrat d’entreprise et non un contrat de travail. Il existe ainsi différentes catégories de travailleurs indépendants : entrepreneurs exerçant en leur nom personnel,Il résulte de l’article L. 8221-6 du Code du travail que les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation aux registres que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail. L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution. Pour dire un chauffeur lié à une plateforme par un contrat de travail, l’arrêt de la cour d’appel de Paris retient que le chauffeur n’avait pas le libre choix de son véhicule, qu’il y avait interdépendance entre les contrats de location et d’adhésion à la plateforme, que le GPS permettait à la société de localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté, de manière à procéder à une répartition optimisée et efficace des courses, en termes de temps de prise en charge de la personne à transporter et de trajet à effectuer, et d’assurer ainsi un contrôle permanent de l’activité du chauffeur, que la société fixait le montant des courses qu’elle facturait au nom et pour le compte du chauffeur, et qu’elle modifiait unilatéralement le prix des courses, à la hausse ou à la baisse en fonction des horaires. L’arrêt ajoute que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du chauffeur, à travers le système de notation par les personnes transportées. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l’exercice d’un travail au sein d’un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par la plateforme, sans constater que celle-ci avait adressé au chauffeur des directives sur les modalités d’exécution du travail, qu’elle disposait du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation, la cour d’appel ne donne pas de base légale à sa décision. Sources Cass. soc., 13 avr. 2022, n° 20-14870
Lauto-entrepreneur saisit le conseil des prud'hommes d’une demande de requalification de sa collaboration en contrat de travail. La Cour rejette sa demande. Elle rappelle l’article L.8221-6 du Code du Travail qui prévoit une présomption de non-salariat pour les personnes physiques exerçant comme auto-entrepreneur.présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; 2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ; 3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ; d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5. Le donneur d'ordre qui a fait l'objet d'une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d'emploi salarié a été établie.. 229 406 126 209 238 484 310 26